X

Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir
les conseils de nos experts !

Eric Latreuille (Credit Manager) : “En période de crise, tout est compliqué”

 

Interview d’Eric Latreuille : Credit Manager à l’international, ancien Président de l’AFDCC, vice-Président à l’international de l’AFDCC.

On attaque la rentrée en compagnie d’Eric Latreuille ! Dans cette interview, Eric partage son expérience et son expertise concernant le contrôle des retards de paiement, la gestion des risques d’impayés et l’importance du Credit Manager dans la crise économique actuelle. 

1. Bonjour Eric, peux-tu te présenter rapidement ?

Je m’appelle Eric Latreuille, j’ai découvert un peu par hasard la fonction de credit management en créant le poste pour une société devenue après filiale d’Havas, la Comareg, leader dans la presse gratuite, à l’intérieure de laquelle la notion de retard de paiement était très abstraite.

Après plusieurs expériences extrêmement enrichissantes  dans des secteurs variés « distribution de produits électroniques » (Panasonic), « distribution de papier » (Papyrus), j’ai été séduit par le projet de création de poste de credit manager à l’international que mettait en place St Gobain Desjonquères (leader mondial flaconnage pharmacie et parfumerie), comportant 9 filiales et une clientèle dans 80 pays.

Naturellement, j’ai accepté bien volontiers d’être formateur pour la gestion des risques à l’international à l’AFDCC pour le titre d’analyste crédit. Je suis très impliqué dans l’association ou, après avoir été le Président pendant 6 ans, regroupant 900 membres, je suis maintenant vice-président à l’international.

2. Beau parcours ! Je commence par une question facile : quel ERP comptable connais-tu le mieux ?

SAP, ERP particulièrement structurant basé sur une approche par flux dans l’entreprise, ce qui est le meilleur angle d’appréhension.

3. Je continue avec une question sympa : en quelques mots, quel est ton plus gros succès ?

L’instauration du contrôle crédit sur SAP chez Panasonic France et Saint Gobain Desjonquères. En effet, la direction financière et la direction étaient particulièrement sceptiques pour cet outil, mais j’ai réussi à les convaincre par des formations régulières auprès de tous les acteurs concernés.

4. As-tu un exemple de cash que tu as fait rentrer par tes actions ?

Un de mes succès important a été la récupération d’une créance de USD600k pour un client basé à Los Angeles, qui était en forte difficulté et pour lequel il y avait une vacance de la direction.

5. Et maintenant la question vache : parle-moi de ton échec le plus cuisant ?!

C’est l’acceptation par la direction financière d’une commande importante sans prise de garantie pour un client algérien, alors que l’expérience financière récente se dégradait  et ceci contre mon avis. La suite des événements m’a malheureusement donné raison. Le curseur était trop orienté côté vente et je n’ai pas eu la force des arguments pour convaincre.

6. Dans ce contexte, je crois que cet échec est à garder en tête.

Oui, les commerciaux sont en retard sur leurs objectifs. Il faut échanger en interne pour bien régler les curseurs.

7. Si je te demande si le gros de la crise reste à venir, tu me réponds « évidemment » ?

Oui, bien sûr, elle sera probablement caractérisée par des pics et intensités variables jusqu’à fin 2021.

Des entreprises ont réussi à sécuriser leur capacité financière via des PGE essentiellement. Mais il y aura donc inévitablement une exigence de remboursement qui va grever les résultats. Si la demande n’est pas à la hauteur, nous aurons une vague de défaillances jusqu’à fin 2021. Sans verser dans le pessimisme, il y aura malheureusement de la casse.

Dans ce contexte, prévenir le risque et assurer un recouvrement de qualité passe par un monitoring fin, organisé et régulier des clients. Le Credit Manager doit voir tous les mois les dossiers qu’il pouvait voir 4 fois par an.

En tant qu’expert, le Credit Manager va devenir incontournable. Je suis convaincu qu’il sera encore plus écouté par la direction financière et la direction commerciale et qu’il pourra transmettre ses analyses prospectives plus facilement.

8. Je crois qu’on est tous d’accord sur le constat/analyse. Mais peux-tu aller plus loin sur le concret ?

Le point de départ est l’évaluation du risque. Prenons l’exemple d’une entreprise avec un gros client qui fait 30% de son CA. Il est indispensable d’en savoir plus sur le client lui-même :

Qui sont les clients de ce client ?

Le risque de ce client est très lié au risque de ses clients. C’est une évidence mais il est toujours bon de le rappeler. Par exemple, un client ne faisant aucune prévention ni recouvrement sur ses clients subira inévitablement des impayés ou des retards de paiement. Par conséquent, sa trésorerie va diminuer et il finira par payer avec retard son principal fournisseur. Il faut approfondir ces liens de dépendances et structurer sa politique de Credit Management.

Comment se protège-t-il quant au risque de manque de financement ?

A travers les bilans, on peut voir si le client a recours au découvert bancaire. Le PGE peut remplacer ce découvert, ce mécanisme a-t-il été utilisé ? Il faut être très vigilant quant au manque de financement. D’une manière générale, il est important de savoir si ce client a activé les mécanismes proposés (reports de charges, pge, etc.).

Quel est son secteur d’activité ?

La crise covid-19 a touché les secteurs de manière inégale. Le coup d’arrêt sur le CA a pu être total, partiel voire très faible. Le tourisme par exemple a été très affecté tandis que du côté de l’industrie, c’est plus variable. Soyons clair, les aides financières sont des perfusions et le CA se reporte de manière inégale suivant les cas.

9. On parle de beaucoup d’informations à obtenir, la tâche n’est pas si simple ?

Oui et non. De toute façon, en période de crise, tout est compliqué. Il faut installer un dialogue, ce qui ne peut être que bien perçu. Le Credit Manager doit sortir encore plus qu’avant et aller vers le client.

Si l’évaluation du risque a été bien faite, le Credit Manager arrivera en amont du problème pour proposer des paiements échelonnés par exemple, sans que ce soit open bar ! Il doit être assez inventif.

10. Comment intègres-tu la relance automatique dans ton schéma ?

Il faut bien penser sa stratégie de relance et privilégier une stratégie plus orientée téléphone que email.

La raison est simple : on parle de ressentir des difficultés à l’autre bout du fil. Il faut être à l’écoute des signaux faibles pour percevoir si l’entreprise cherche à se donner de la sécurité en tirant un peu ou bien est en grosse difficulté. Tu n’auras pas accès à ces signaux faibles par retour de mails.

11. Ta stratégie de relance en quelques mots ?

Un email de pré-relance suivi d’une relance humaine. Un bon scénario de questions couplé à une analyse de risque permettra une relance plus efficace.

12. C’est une stratégie relativement chronophage. Comment gères-tu son déploiement sur un grand nombre de clients ?

Cette stratégie mobilise du temps, c’est certain. Mais un bon Credit Manager sait qu’il faut raisonner en ROI et non pas en coût. Si tu investis du temps-homme pour éviter des k€ d’impayés, le calcul sera très vite fait et le ROI très élevé.

13. Et si tu n’as pas les ressources en interne ?

L’externalisation est la solution, au moins sur le court terme pour rattraper les éventuelles dérives sur les délais de paiement. De ce côté, la palette de services offerts est souvent assez large ce qui permet d’élever le niveau de ton organisation.

L’externalisation apporte de la valeur et offre beaucoup de flexibilité mais a un coût.

14. Comment prends-tu la décision d’y aller ou non dans ce cas ?

Je te ferai la même réponse que lorsque je mobilise des ressources internes : ROI !

Il faut définir des métriques, les suivre et éventuellement demander à son partenaire de considérer une part de rémunération variable sur ces KPIs.

15. Peux-tu m’en dire plus sur les métriques ?

Pour commencer, il faut mesurer la diminution du retard de paiement. Les conséquences sont claires : plus de trésorerie et moins de risque d’impayés.

16. Eric, un grand merci pour cet échange très instructif ! Une phrase pour conclure cet échange ?

Le contexte impose de se créer de nouveaux repères, d’avoir de nouveaux réflexes.

17.  Comment peut-on te joindre pour continuer à échanger ?

Par e-mail (eric.latreuille@afdcc.com) ou me contactant sur LinkedIn directement.

Merci beaucoup Eric pour ton analyse et tes conseils dans la situation actuelle.

 Vous souhaitez bénéficier de plus de conseils ou d’informations :

Partagez cet article sur les réseaux sociaux

Baissez durablement la pression
sur votre trésorerie

Continuez votre lecture